SPORT365.FR, 27.09.2007

Alain Prost: « Enormément d’incertitudes au Japon »

Interview: Eric CAMACHO

A l’approche du Grand Prix du Japon et comme avant chaque course, Alain Prost nous livre son analyse. Le quadruple champion du monde évoque la fin de saison palpitante qui s’annonce et la difficulté à désigner un favori clair entre Hamilton, Alonso et Raïkkonen.

Que pensez-vous de la décision de McLaren de ne pas faire appel auprès de la FIA de la sanction qui frappe l’écurie?
C’était une décision relativement attendue. McLaren savait qu’il y avait un risque supplémentaire de voir le championnat pilotes lui échapper en cas de réouverture de ce simulacre de procès. L’écurie est malheureusement obligée de se plier à la décision.

La perte du titre des constructeurs va-t-elle changer la donne au niveau tactique? Va-t-on passer d’une stratégie d’équipe à des stratégies individuelles?
C’est surtout le contexte qui fait qu’aujourd’hui McLaren doit se raccrocher au championnat des pilotes. C’est une saison qui s’annonçait merveilleuse et qui est un peu catastrophique par la sanction qui a frappé l’écurie. La perte du championnat des pilotes serait dramatique. Compte tenu des relations entre Alonso et McLaren, il n’y a plus de stratégie d’équipe possible. McLaren doit donner le meilleur matériel possible aux deux hommes et les laisser se battre sur la piste.

Comment l’écurie Ferrari peut-elle gérer cette fin de saison?
Paradoxalement, c’est pourtant cette équipe qui a la situation la plus confortable, surtout avec Raïkkonen. Il est possible que Ferrari prenne des risques techniques, ce que ne peut pas se permettre McLaren. Le titre pilotes n’est pas complètement perdu car les Ferrari, après un passage à vide assez inexplicable à Monza, ont bien réagi à Spa-Francorchamps. La stratégie, c’est de gagner à tout prix dès le Grand Prix du Japon. Cela va être extrêmement complexe dans les stratégies et surtout dans la psychologie.

On a vu lors du départ du dernier Grand Prix à Spa qu’Alonso et Hamilton ne s’étaient fait aucun cadeau. Peut-on assister à un accrochage lors des trois derniers Grand Prix?
Il y a un vrai risque parce que l’on sait que le titre va se jouer à un ou deux points. Avec la fiabilité des voitures, si l’un des deux ou trois pilotes en lice pour le championnat abandonne, c’est pratiquement fini. Il faut terminer les trois Grand Prix. D’un autre côté, la pole position et la place dès le premier virage sont extrêmement importantes. Le risque d’accrochage est donc amplifié et on a vu qu’Alonso et Hamilton sont très agressifs. Ça peut jouer en faveur de Raïkkonen. Lui doit ne pas accrocher, gagner puis voir ce qui se passe.

L’expérience d’Alonso, qui a déjà été en lutte pour un titre mondial, va-t-elle faire la différence selon vous?
On sait qu’un pilote qui a déjà remporté un championnat du monde – et Alonso a dû bagarrer face à Schumacher pour s’imposer – a une faculté différente de résister à ce type de pression. D’un autre côté, on se dit qu’Hamilton a résisté à tout cette année. S’il considère que c’est tout bonus pour lui, tout peut arriver. Je donnerais donc un petit avantage à Alonso. Maintenant n’oublions pas que l’Espagnol n’est pas dans la meilleure situation au sein de son équipe. Mais n’est-ce pas une force et une motivation supplémentaires pour lui?

La bonne période des Ferrari, si elle se confirme, peut-elle favoriser Hamilton en limitant le nombre de points marqués par Alonso?
C’est tout l’intérêt de cette fin de championnat. Une Ferrari peut s’intercaler entre les deux pilotes McLaren et permettre à l’un ou l’autre de marquer des points décisifs pour le titre. En 1986, j’avais tiré les marrons du feu en profitant de la lutte entre Nelson Piquet et Nigel Mansell. Le Grand Prix du Japon va être absolument déterminant. Le championnat sera peut-être plié parce qu’il y aura eu deux abandons avec une victoire d’Hamilton. Il ne lui restera ensuite plus qu’à assurer. Mais je crois que cela peut se passer très différemment. N’oublions pas qu’au Japon, en cette période de l’année, il y a souvent de la pluie. Cela peut tout remettre en cause.

Le Grand Prix du Japon se disputera sur un nouveau circuit, celui du Mont-Fuji. Qu’en savez-vous et va-t-il, comme semblent le penser les spécialistes, avantager les McLaren?
C’est un circuit ni lent ni rapide. Il est difficile de dire aujourd’hui qui sera avantagé. A part les circuits très serrés, qui avantagent les McLaren, les deux écuries ont tour à tour eu l’avantage sans que l’on puisse d’ailleurs très bien l’expliquer. Il y a un élément déterminant qui est la présence de grands appuis. Il y en a au Mont-Fuji et cela devrait avantager Ferrari. Après, il y a la taille des bordures qui avantage vraiment les McLaren. Elles ont une capacité à absorber les chocs sur ces bordures que n’ont pas les Ferrari et cela fait gagner les dixièmes qui font la différence. Pour l’instant, on ne peut pas juger et on va se faire une opinion sur les premiers essais libres. Il y a énormément d’incertitudes et de paramètres sur ce Grand Prix.

Il est donc encore plus difficile de donner un pronostic sur ce Grand Prix…
C’est ce qui fait la beauté de cette fin de championnat. Les gens vous demandent toujours de donner un pronostic. Même les « experts », les personnes des équipes elles-mêmes n’arrivent plus à savoir. Encore une fois, attachons beaucoup d’importance à la psychologie, aux stratégies d’équipes parce que ce sont des Grand Prix qui ne sont finalement jamais comme les autres.

Si l’on se projette un peu plus loin, comment voyez-vous la fin de la saison?
Ce qui est sûr, c’est que les deux pilotes McLaren vont avoir une pression incroyable. On va donc pouvoir voir qui résiste le mieux. Kimi Raïkkonen étant froid de nature, je pense qu’il sera encore plus décontracté. Il y a aussi la position de Massa qui va certainement jouer le jeu de son équipier. Mais il n’a que vingt points de retard et, avec l’éventuelle intervention de la pluie, il peut gagner un Grand Prix et les trois autres ne pas terminer.



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