NICE MATIN, 27.05.2012

Alain Prost: "Un monde à part"


Interview: Gil Léon

Alain, pour commencer, on vous propose une marche arrière jusqu'au dimanche 18 mai 1980. Quels souvenirs gardez-vous de votre premier Grand Prix de Monaco?
Plus que de la course, qui fut brève, je me souviens des premiers tours à bord de la McLaren, trois jours plus tôt. Impression incroyable. Expérience située à des années-lumière de mes trois ou quatre précédents week-ends ici, en Formule Renault Europe et Formule 3. C'était comme si on avait rétréci la piste. La voiture me semblait énorme et tout défilait à une vitesse folle. Je me rappelle aussi de la qualif', assez bien négociée. Quant au crash du départ, avec la spectaculaire envolée de la Tyrrelll de Derek Daly, il demeure l'un des plus gros accidents de ma carrière. Ce jour-là, j'ai eu vraiment très chaud parce que sa roue est passée tout près de mon casque.

Que ressentent les trois pilotes français qui vivent cette situation aujourd'hui? Expliquez-nous...
Ils ont découvert un monde à part, où l'on ne fait pas exactement les mêmes choses qu'ailleurs. Pilotage, relations publiques... Tout est un peu différent. Monaco ne s'aborde pas de la même manière qu'un autre circuit. Il y a une appréhension spéciale, un respect pour cette piste qui réclame une précision et une concentration extrêmes. Et puis pour ceux qui ne roulent pas aux avant-postes, il y a aussi l'espoir d'obtenir un résultat positif, relativement plus abordable ici.

Tout le monde attend Romain Grosjean. Va-t-il en gagner une cette année?
Je lui souhaite. Son début de saison incite à l'optimisme, en effet... Manifestement, la Lotus est bien née. Jusqu'à maintenant, si elle n'a pas triomphé, elle s'est imposée comme la voiture la plus régulière du plateau. Quant à lui, je le trouve bien dans sa tête. Sans doute parce qu'il se sent très supporté, à juste titre. On peut dire que tous les ingrédients sont réunis pour qu'il gagne.

Quel regard portez-vous sur ce printemps pour le moins déroutant?
Je pense que la F1 est en train de redonner envie aux gens de la regarder. Ne faisons pas la fine bouche. De toute évidence, le public apprécie le spectacle, cette indécision permanente. Après, pour les puristes, ingénieurs, pilotes, ce n'est pas pareil. En parlant assez régulièrement avec eux, je mesure leur frustration. Ne pas parvenir à comprendre et à maîtriser ce paramètre « pneu » ô combien délicat, c'est agaçant. Mais, bon, tout cela va se stabiliser. Une équipe finira bien par trouver le «truc», un jour ou l'autre.

Le champion Alain Prost aurait-il aimé composer avec toute cette technologie, ces aides au dépassement?
On se serait adapté. A notre époque, en F1, même si les monoplaces étaient moins perfectionnées, il fallait déjà s'adapter. Ce qui ne m'aurait pas plu, en revanche, c'est d'entendre quelqu'un me parler sans cesse dans le casque: « Tourne le bouton 3, fais ci, fais ça... »

A votre avis, le moteur Renault, titré avec Red Bull en 2010 et 2011, réalisera-t-il la passe de trois?
Ça me semble possible, avec Red Bull... ou avec Lotus. Le championnat constructeur est également très ouvert. Attention, en face, il y a tout de même McLaren-Mercedes. Aujourd'hui, pour moi, c'est le rival numéro 1.

Le retour d'une écurie 100 % Renault dans le paddock, c'est envisageable?
A court ou moyen terme, non. D'accord, il ne faut jamais dire jamais. Mais un choix a été fait. La saison 2014 marquera l'entrée en piste de nouveaux moteurs. Renault concentre aujourd'hui tous ses efforts sur ce secteur. Telle est sa stratégie. De toute façon, la conjoncture franco-française est défavorable depuis longtemps...

Et le retour du Grand Prix de France, faut-il encore y croire?
Franchement, si aucun des nombreux projets présentés n'a abouti jusqu'à maintenant, je ne vois pas comment on va y arriver. Le meilleur, à mes yeux, c'était Flins. Un site très bien étudié, situé à côté de Paris, donc pouvant accueillir entre 100 et 130000 personnes. Un business plan viable, sans deniers publics. Tout cela a capoté pour des raisons électorales. Après, concernant les circuits existants, que ce soit au Castellet ou à Magny-Cours, on perdra toujours de l'argent...



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