SPORT365.FR, 08.05.2009

Alain Prost: « Une inconnue totale »


Interview: Eric CAMACHO

Avant le rendez-vous de Barcelone, Alain Prost évoque le flou entourant la hiérarchie actuelle en F1 et les incertitudes concernant les évolutions apportées par les écuries. Une situation rare mais passionnante.

Alain Prost, à Bahreïn, Jenson Button a confirmé son retour en force et l’excellent début de saison des Brawn GP…
Je pense effectivement que c’est sa plus belle victoire. Il fait deux premiers tours d’attaque où il double Vettel et Hamilton. Cela lui permet de faire la course parfaite derrière en gérant bien la stratégie et les pneumatiques. Il est resté très régulier. Cette victoire lui permet également de voir de manière plus sereine l’avenir parce qu’il prend confiance. C’est un pilote qui a eu beaucoup de problèmes et qui a été très critiqué. Ce n’était certainement pas facile, notamment chez lui en Angleterre. Là il se retrouve dans une atmosphère plus positive avec Ross Brawn. Il voit également qu’il peut faire des courses idéales. Cela va lui redonner un peu de moral.

Peut-on définitivement faire de lui un prétendant au titre mondial des pilotes?
Oui, mais il figure parmi sept ou huit pilotes encore en course. Cela ne va pas dépendre que des pilotes mais des performances des monoplaces et des écuries. Dès Barcelone, on va pouvoir observer si les grandes équipes ont pu réduire leur retard ou prendre même un peu d’avance. C’est une saison très particulière.

Pensez-vous, comme l’a déclaré Jenson Button, que les Red Bull ont dépassé les Brawn GP en termes de performances?
J’ai l’impression que les deux équipes sont très proches. N’oublions pas qu’il y a un pilote comme Sébastian Vettel qui fait vraiment un début de saison exceptionnel. Les Brawn me semblent extrêmement efficaces. L’équipe a plus de facilités à gérer la voiture et on va voir en Europe la réalité des choses. Mais je sais aussi qu’Adrian Newey travaille d’arrache-pied car il sent peut-être que Red Bull a une opportunité en or cette saison.

Le week-end espagnol s’avance avec beaucoup de questions, de mystères sur les évolutions apportées par les écuries… Peut-on dire que c’est une nouvelle saison qui démarre?
C’est incontestablement une nouvelle étape qui débute dans cette saison. Nouvelle saison, non, car les points attribués ne seront plus enlevés. Je trouve cela assez passionnant. Quand on voit comment les écuries sont proches en essais ou en course, on se dit que tout le monde va amener des modifications importantes. Quand je parle aux gens des différentes écuries, je m’aperçois que personne n’est confiant. On n’a que des simulations en soufflerie sur les évolutions aérodynamiques. Ce qui est vrai en simulation ne se vérifie pas toujours sur la piste. C’est une inconnue totale mais c’est bien. Cela nous permet de regarder tout cela avec beaucoup de passion et d’impatience. La saison est encore très longue et indécise.

Est-il trop tard pour que les grosses écuries refassent leur retard?
On a beaucoup parlé des diffuseurs et du KERS. Est-ce que les meilleures voitures qui sont aujourd’hui devant le sont parce qu’elles ont été très bien conçues? En modifiant l’aérodynamique, les grandes écuries vont-elles refaire une partie de leur retard? Nous allons avoir une première partie de la réponse à Barcelone. Je dirais plutôt que les grandes écuries sont mal parties et qu’elles vont rattraper une partie de leur retard. Mais j’ai un vrai doute sur leur capacité à passer devant.

Ferrari présentera sans doute une voiture largement modifiée à Barcelone… La Scuderia doit-elle déjà se projeter sur la saison prochaine? Peut-elle surtout se le permettre?
Je pense que Ferrari ne peut pas se le permettre. On l’a évoqué et entendu. C’est impossible pour une écurie de cette importance de se concentrer déjà sur la saison suivante. Impossible et inutile car les règlements vont changer l’an prochain - pas de ravitaillement, des voitures plus lourdes au départ - et cela va amener beaucoup de choses différentes. Il faut déjà comprendre pourquoi on en est arrivé là. Il faut également remotiver les gens. Il y a autour de Ferrari un tel environnement médiatique et une ambiance propre à ce type d’équipe latine qu’il faut d’abord récupérer un peu de moral.

La FIA a décidé le plafonnement des budgets pour la saison prochaine. Pensez-vous que ce soit une bonne chose?
Le principe est évidemment bon et on aurait dû le faire depuis longtemps. On le fait aujourd’hui car il y a une crise économique. Les constructeurs ne veulent pas avoir une F1 à deux vitesses avec une réduction des budgets mais l’autorisation de les dépasser. En plus, d’une année sur l’autre, cela peut avoir des conséquences importantes. Certaines écuries ont plus de 1 000 personnes embauchées. Cela peut amener des licenciements. Il faut peut-être y aller par paliers. Les écuries devraient proposer plus en amont. Il est aussi vrai que Max Mosley a une méthode dure et il va toujours très loin pour arriver à un compromis.

Les relations sont justement très tendues entre Max Mosley et Ferrari par la voix de Luca Di Montezemolo. La Scuderia peut-elle aller jusqu’à un clash et quitter la F1 ou est-ce juste une guerre d’intox?
Cela fait déjà très longtemps qu’il y a une volonté des constructeurs de créer leur propre championnat. Aujourd’hui on en reparle. Il y a une sorte de pression continuelle entre les grands constructeurs et Max Mosley. Mais c’est la première fois qu’il y a deux personnalités l’une contre l’autre. Luca Di Montezemolo tient tête à Max Mosley et j’ai peur qu’il y ait, à un moment donné, un clash qui ne serait pas bon pour la F1.

Un mot rapide sur la sanction de trois Grands Prix avec sursis qui a frappé McLaren-Mercedes…
Il y a eu divers incidents chez McLaren depuis quelques saisons. Le dernier en date, lors du Grand Prix d’Australie, est incompréhensible mais c’est une vraie faute de la part de McLaren. La FIA aurait pu sanctionner beaucoup plus durement l’écurie. Mais, du fait du contexte économique et du repentir de McLaren, c’est l’apaisement qui a prévalu.

Pour terminer, quel est votre pronostic sur ce Grand Prix d’Espagne?
Comme c’est très indécis, je vais mettre une ancienne voiture performante dans mon trio. Je mettrais tout de même une Red Bull avec Vettel, une Brawn GP sur le podium et, soit une Ferrari soit une McLaren. On va voir si Ferrari revient sur un circuit où la Scuderia a souvent été performante… Mais sans trop de convictions (rires).



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