L'ÉQUIPE, 23.11.2001

Alain Prost: "A part pilote, tout est possible"


ALAIN PROST est prêt à envisager toutes les solutions pour sauver son équipe et ses employés. Même s'il devait quitter son écurie.

Votre équipe vient d'être placée en redressement judiciaire. Est-ce la fin de l'écurie Prost Grand Prix?
J'ai effectivement demandé le redressement judiciaire, et un administrateur a donc été nommé pour m'assister dans toutes les démarches que j'espère mener avec lui pour trouver une solution dans un futur très proche afin de sauvegarder les intérêts de l'écurie. C'est vrai que le mot "dépôt de bilan" sonne plutôt de façon négative bien souvent mais dans notre cas, il ne s'agit absolument pas la fin de l'écurie. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, je ne jette pas l'éponge. Aujourd'hui, je reste à la barre de Prost Grand Prix, mais je suis épaulé par un administrateur judiciaire. Je travaille dans la perspective d'un plan de continuation. Maintenant, on peut geler le passif pendant une certaine période pour concrétiser avec des partenaires, qui pour la plupart étaient très inquiets de savoir si leurs investissements allaient servir à régler le passif 2001. Notre situation est donc plutôt positive, en tout cas, c'est la seule solution envisageable pour sortir l'écurie des troubles financiers. Notre passif s'élève à 200 millions de francs.

Quelle serait la solution pour sauver l'écurie?
L'idéal serait de disposer d'un gros sponsor, ce qui nous manque depuis deux ans. Après, ce serait beaucoup plus facile pour faire signer les autres sponsors qui sont intéressés mais ne disposent pas actuellement de garanties.

Outre le manque de sponsors pour expliquer les difficultés de votre équipe, n'avez-vous pas commis des erreurs?
Je pense qu'il est impossible de gérer un projet comme celui-ci sans faire d'erreurs. Lesquelles? Ce n'est pas le moment de les définir. Bien souvent, dans ce genre de travail, on doit prendre des décisions stratégiques dans des périodes très courtes. Quand on se trouve, en plus, dans une position de faiblesse, ces décisions rapides ne sont pas toujours les bonnes. Donc personnellement, je peux assumer pas mal d'erreurs stratégiques. Mais si je devais tout recommencer, je referais certainement les mêmes. Aujourd'hui, s'il y en a un qui paie au sens propre comme au figuré, c'est aussi moi. Aussi, si j'ai fait des erreurs et que je les assume, ce sera une expérience très positive. Je savais que ce projet serait compliqué à mener. Alors peut-être qu'on peut parler d'échec, mais je soulignerai que pendant ce temps-là, on a construit quand même quelque chose de formidable: on figure parmi les douze équipes de F1, on a construit une structure avec à la base des jeunes, le bureau d'études a une moyenne d'âge de moins de trente ans; dans certains domaines, on a les meilleurs éléments. Si on parvient à sortir de ces problèmes, l'élan sera très positif.

Parmi les solutions envisagées, peut-on imaginer que le nom Prost disparaisse des voitures, ou que vous n'occupiez plus la fonction de Président?
L'important consiste à sauver les intérêts de l'équipe et de ses salariés. Avec le contrôle de l'administrateur financier, nous prendrons la meilleure solution, celle qui assure la pérennité de l'équipe. Aussi, s'il faut passer par le désengagement du nom Prost ou d'Alain Prost lui-même, dans le cas où il s'agit du meilleur projet, il n'y aurait alors aucun problème. A part pilote, tout est possible comme fonction. Sincèrement, tout ce qui pourra être fait pour sauver l'entreprise, pour trouver un investisseur, je le ferai.

Allez-vous devoir supprimer des emplois?
Pour l'instant, je me projette dans un plan de continuation, donc cela n'est absolument pas à l'ordre du jour. Par rapport aux autres écuries, on fait figure de petite équipe, donc je ne vois pas un investisseur futur demander à faire un plan social important dans la mesure où ce serait le meilleur moyen d'affaiblir notre niveau. Je le déconseillerais fortement.

Actuellement que pouvez-vous proposer aux sponsors?
Je crois qu'il nous faut un projet nouveau, cela passe par un nouvel investisseur. On propose une base qui est déjà très solide. Après quatre ans, l'équipe arrive à maturité. Nous n'avons pas à rougir. Nous devons simplement réunir parties technique et financière. Je pense que nous figurons parmi les structures les plus susceptibles d'attirer un constructeur pour le futur.

Des repreneurs n'ont-ils pas intérêt à attendre votre mise en liquidation?
La F1 est suffisamment compliquée, demande la réunion de tant de paramètres, que je ne vois pas l'intérêt de jouer à ce petit jeu. Je l'exclus pour ma part. J'ai confiance, j'espère trouver un partenaire pour sortir de cette situation.

Quand comptez-vous présenter votre plan de continuation?
La réponse est bateau: le plus tôt possible. Mais je ne peux rien dire encore, ce ne serait pas réaliste.

Vous avez parlé à votre équipe. Comment a-t-elle pris l'annonce de la situation?
Dans ces cas-là, il s'agit de dire la vérité. Mes hommes vivent au quotidien les problèmes. Ce sont des gens extrêmement motivés, solidaires, qui pour certains ont connu dans le passé des problèmes similaires. L'important c'est de leur expliquer la démarche, les perspectives. L'aspect fondamental, c'est que malgré les problèmes, l'aspect médiatique pas toujours facile à vivre en interne, on n'a perdu aucune personne clé. Tout le monde reste confiant. J'ai d'ailleurs demandé à mon équipe de faire corps, d'être solidaire. Si on s'en sort, ce sera ensemble. Cette aventure merveilleuse ne peut pas se terminer comme cela.

CAROLE CAPITAINE



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