SPORT365.FR, 07.09.2006

Alain Prost:
"Du 60 - 40 en faveur de Renault"



Interview: Eric CAMACHO

Comme avant chaque Grand Prix, Alain Prost, quadruple champion du monde, nous livre son analyse. Si, à Monza, Ferrari sera favori, la Scuderia a peut-être déjà laissé passer sa chance en Turquie.

Alain, a-t-on assisté au Grand Prix de Turquie à un tournant dans la saison ? Les Ferrari avaient la pole position, étaient bien parties et Massa gagne la course. Mais il y a comme un goût d’inachevé…
Cela n’a effectivement pas été un si bon week-end que ça car même si les Ferrari avaient dominé les essais, elles n’ont pas concrétisé cette supériorité. C’est vrai qu’il y a la victoire au bout mais pas avec la bonne voiture ou le bon pilote dans l’optique du championnat. On a vu un Schumacher qui a fait une petite erreur en qualifications qui lui coûte peut-être la pole position. Le scénario aurait pu être bouleversé. Il récidive en course avec une erreur qui lui coûte à peu près quatre secondes et l’oblige à ressortir derrière Alonso après le ravitaillement. J’ai senti un Schumacher un peu moins saignant qu’à son habitude. C’est peut-être l’un de ses plus mauvais Grands Prix cette année. Il n’a pas su s’arrêter au bon moment. Le résultat final ne correspond pas au potentiel réel de la voiture. Aujourd’hui, la Ferrari domine. Il n’est pas évident qu’elle dominera sur les quatre derniers Grands Prix. C’est maintenant du 60 – 40 en faveur de Renault.

Pensez-vous que Ferrari a commis une erreur en ne demandant pas à Felipe Massa de laisser passer Michael Schumacher ?
Dans l’optique du championnat pilotes, c’est évident. Il faut tout de même savoir que la Fédération et toutes les autres équipes sont très dures envers Ferrari. Ce n’est pas forcément une équipe aimée dans le paddock. S’il y avait eu un avantage très visible, il y aurait pu avoir contestation. Cela aurait fait désordre.

Comment voyez-vous l’avenir de Felipe Massa qui a remporté sa première victoire ?
Cela a toujours été un pilote très talentueux et très rapide. C’est vrai que, dans une équipe comme Ferrari, on apprend beaucoup plus vite. Il éclate la bonne année. C’est l’année où, je pense, Michael (Ndlr : Schumacher) devrait annoncer qu’il arrête. On ne peut pas juger à 100 % du potentiel de Felipe Massa par rapport à Michael Schumacher. Les dés sont un peu pipés. Pour l’instant, il n’a pas la confirmation qu’il va rester chez Ferrari. Son seul souci est d’aller vite et de profiter de la dynamique de l’équipe, ce qu’il fait parfaitement bien.

Vous évoquiez la méforme relative de Michael Schumacher. A contrario, un pilote a prouvé qu’il avait les nerfs solides, c’est Fernando Alonso…
C’est pour Alonso également une situation de pression continuelle. Il est le pilote capable d’être champion pour Renault. Il s’en va à la fin de l’année. Et malgré tout, dans une carrière, on ne sait jamais. Il n’aura peut-être plus la chance d’être champion. Il est très talentueux mais aussi très ambitieux. Il a beaucoup d’orgueil, ce qui est une qualité primordiale pour un pilote de F1. Il est surtout très solide et sait résister à la pression.

Le circuit de Monza offre les vitesses de pointe les plus élevées du championnat. Cette donnée devrait convenir aux Ferrari…
Sur les Grands Prix de l’été, la Ferrari a été plus rapide en vitesse de pointe. Sur un circuit comme Monza, qui est le jardin de Ferrari, je crois qu’il sera difficile de la battre. Il y a l’inconnue des pneumatiques. Aujourd’hui, c’est plus, sur les derniers Grands Prix, une course de pneumatiques et de pression autour des pilotes. On l’a vu en Turquie. Bridgestone a dominé aux essais mais cela a été beaucoup moins évident en course. Monza est également un circuit très exigeant au niveau de la fiabilité. Même si les moteurs ne cassent aujourd’hui presque plus, Monza soumet les voitures à rude épreuve. La course va être intéressante.

Quelle doit être, selon vous, la tactique à adopter pour Renault ?
A ce niveau de la compétition, on ne peut pas assurer ou penser assurer une place précise. Il faut absolument mettre toutes les chances de son côté que ce soit en qualifications, en début de course puis pendant la course. Maintenant, si l’on doit assurer une deuxième ou une troisième place, on avise. Il vaut mieux perdre deux points que la course. Renault a l’air assez confiant au niveau du développement moteur-chassis pour les trois derniers Grands Prix. Renault doit laisser passer l’orage.

Vous l’évoquiez plus haut, l’une des grandes interrogations de ce Grand Prix sera également la décision de Michael Schumacher. Annoncera-t-il sa retraite à la fin de la saison ?
Vous m’auriez posé la question il y a quelques semaines, je n’aurais pas su quoi dire. Après les deux derniers Grands Prix, je suis tenté de dire qu’il va arrêter. Je pense qu’il a pris sa décision. Je me trompe peut-être mais le fait que l’annonce soit faite le dimanche soir est un signe. Vis-à-vis des tifosi, Ferrari ne veut pas annoncer la retraite de son champion avant le Grand Prix d’Italie pour garder cette atmosphère et cette ambiance de gaîté. Si Michael pouvait annoncer sa retraite après une victoire, ce serait très beau.



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