PLAYBOY FRANCE, 01.04.1988

INTERVIEW PROST - LE DOPAGE EN F1



L'homme pressé nous a donné rendez-vous à Roissy, dans la file d'attente d'un vol Air France à destination de Tokyo. Mais il n'est pas là. Son avion privé qui vient de Genève n'est même pas annoncé dans le ciel. Les hôtesses styles du salon d'honneur guettent le petit point rouge qui signalera son approche pour envoyer une voiture chercher le passager en bout de piste. Alain Prost arrive enfin, tout petit, engoncé dans une grosse doudoune bleue, les cheveux bouclés tombant jusqu'aux épaules, il est accueilli, en vrai prince médiatique, par des courbettes et des sourires. Il écarte d'un revers de main l'hôtesse qui lui signale qu'il est temps d'embarquer, l'air de dire: faites attendre l'avion des Japs...
Assis dans un fauteuil profond, il se met à raconter comment l'obscur provincial désargenté qu'il était a pu devenir le plus grand pilote automobile de tous les temps. Il raconte la progression fulgurante du petit Auvergnat, pour qui un sou restera toujours un sou et un boulon, un boulon: le premier kart rafistolé dans un coin de l'atelier de meubles de son père, le premier prix remporté à 17 ans, qui lui permet de devenir "pilote-usine" de la SOVAM, le titre de champion d'Europe de kart, les premiers cours de pilotage de vraies voitures de course à l'école Paul Ricard quand il a 19 ans, la première saison en Formule Renault offerte par Elf au meilleur élève de l'école, les plus beaux titres de Formule 3 remportés en 1979, la consécration, quand il est engagé en 1980 chez McLaren pour une saison en F1. Enfin ses deux titres de champion du monde... Une carrière bien à l'image d'un homme qui a choisi de vivre sa vie à 340 kilomètres/heure!
Les haut-parleurs annoncent le décollage de l'avion. Prost se lève. Un gros sac de sport sur 1 épaule, l'Auvergnat s'en va chez les Japonais leur apprendre les finesses de la haute technologie européenne. (Entretien Catherine Krafft et Jean-Jacques Bourdin.)

Parlons de la saison qui commence le 3 avril par le Grand Prix du Brésil, comme d'habitude. Vous y allez pour reconquérir votre titre de champion du monde. Etes-vous optimiste?
Oui, très. Mais je déteste répondre à ce genre de questions avant le départ...

Par peur de tenter le diable?
Non. Je ne suis pas superstitieux. Je n'ai aucun gri-gri ni quoi que ce soit de ce genre dans ma voiture. Je ne m'applique même plus à porter la même combinaison, comme dans mes débuts. Si je n'aime pas évoquer mes chances avant la course, c'est simplement parce qu'il y a trop d'impondérables en sport mécanique. J'espère être dans le haut du tableau comme l'année dernière, c'est tout.

Vous avez été deux fois champion du monde, vous avez battu le record des victoires en Grand Prix. Vous êtes considéré, aujourd'hui, comme le plus grand coureur automobile de tous les temps. Pourquoi ne pas savourer votre triomphe tranquillement devant la télé plutôt que de courir de nouveaux risques?
Pour le plaisir. Le but essentiel n'est pas d'être champion du monde ni même de remporter un record de victoires. Le but essentiel, c'est le plaisir.

Le plaisir de conduire?
Pas seulement. C'est un ensemble. C'est, par exemple, aller au Japon développer la voiture, travailler avec des gens nouveaux. Chaque année, c'est différent. On se renouvelle tout le temps. Depuis dix ans, la technologie a considérablement évolué et j'ai acquis un certain bagage dans ce domaine. C'est important. Tout ça fait partie du plaisir.

Question nouveautés, cette année, vous ne devez pas être déçu!
(il rit) Oui, tout est nouveau: un nouveau châssis McLaren, un nouveau moteur Honda, un nouveau coéquipier, presque une nouvelle équipe. Même si ça change un peu chaque année, là, ça fait quand même beaucoup de changements!

Commençons par le coéquipier. Pour se battre à vos côtés, vous avez Ayrton Senna, qui a la réputation d'être "l'homme le plus rapide de la F1". Cela vous fait-il peur?
Pourquoi? Vous oubliez de dire qu'avant, j'ai couru avec Arnoux, Cheever, Watson ou Lauda et Rosberg qui ont été tous deux champions du monde. Alors, même si Senna fait un peu figure d'épouvantail, d'enfant prodige, d'"homme le plus rapide de la Fl", comme vous dites, son palmarès pour l'instant est moins fourni que celui de Lauda ou de Rosberg.

Vous avez dit un jour: "Quel que soit le coéquipier, finalement, ça ne compte pas. Moi, de toute façon, je suis le premier pilote. J'ai été deux fois champion du monde et je ne peux plus accepter qu'un pilote soit placé à égalité avec moi."
Où avez-vous lu ça? C'est complètement faux! Ça me révolte d'entendre des choses pareilles alors que je pense tout le contraire. Même à l'époque où je courais chez Renault, j'ai toujours refusé d'être considéré comme le premier pilote ! Dans le cas où une équipe n'aurait pas les moyens techniques d'avoir deux voitures égales, sans doute serait-il nécessaire de différencier les équipiers. Mais à partir du moment où Senna et moi dis- posons exactement du même matériel, on repart à zéro tous les deux. Ce n'est pas parce que j'ai été deux fois champion du monde que je dois avoir des avantages sur lui.

Est-ce un atout ou un handicap que de l'avoir comme coéquipier?
Un atout. Un challenge, aussi. Sa présence va m'empêcher de me démotiver. Ce qui est toujours un risque quand on a gagné des courses et qu'on est leader. Senna arrive... (il réfléchit) je dirais beaucoup plus frais que les autres. Il n'y a pas de secret: dans le sport comme dans la vie, il y a un moment où l'on progresse, où l'on atteint le sommet, et, après, on ne peut plus aller plus loin...

Aïe! Ce sommet, vous l'avez déjà atteint. Voulez-vous dire que vous êtes sur la pente déclinante?
(il rit) Ben, après le sommet... On peut bien sûr essayer de s'y maintenir, mais ça, je crois que c'est utopique et il vaut mieux que je ne me fasse pas d'illusions.

Comment vivez-vous une défaite?
Il y a deux sortes de défaites. Quand je mène une course, comme je l'ai fait l'année dernière à Hockenheim, et que je suis obligé d'abandonner à trois tours de la fin, c'est décevant mais ce n'est pas grave...

Le public, lui, a trouvé ça grave!
Je sais... Par contre, si je me bagarre pour une cinquième place à l'arraché, que je me défonce pour ça, alors que je sais que, potentiellement, on a les moyens de gagner, là, la défaite est plus amère.

Dans ce cas-là, que faites-vous? Vous gueulez?
Non, je n'ai jamais gueulé, même si j'ai cette réputation. Je suis seulement obstiné.

Pardonnez-moi. A une certaine époque, on vous a même qualifié de "loser gueulard". Dès l'âge de 17 ans, alors que vous commencez juste à courir en karting, à la fin d'une course, vous êtes allé casser la figure de Goldstein, le champion du monde!
C'est vrai. Il avait beau être deux fois grand comme moi, je lui ai fichu une radée. Il m'avait fait balancer par l'un de ses coéquipiers dans le dernier virage. J'ai pas accepté. (il rit) J'ai pas accepté, quoi, c'est tout...

Auriez-vous le même genre de réaction aujourd'hui?
(il rit toujours) Je ne suis pas sûr que je parviendrais à me contenir davantage...

Vous trouvez donc normal que Ayrton Senna et Nigel Mansell se soient tapé dessus l'année dernière?
Non. (il rit) Après ce que je viens de dire, vous allez penser, vraiment, Prost se contredit. Mais je n'ai pas trouvé correcte la façon dont ça s'est fait. Quand on se bat, il faut que ce soit à chaud. Alors que là, c'était réfléchi puisqu'ils ont attendu au moins une demi-heure avant de "s'expliquer". En plus, il vaut mieux faire ce genre de choses sans publicité.

Il paraît que Nigel Mansell a le record de la bêtise puisqu'il n'a jamais compris qu'une course ne se gagnait pas forcément au premier tour...
Je n'aime pas porter de jugement sur les autres pilotes.

Après avoir cassé la figure à Goldstein, vous vous êtes engueulé publiquement avec Arnoux en 1982 parce qu'il ne vous avait pas laissé gagner, contrairement à ses engagements. Est-ce vrai que vous avez demandé sa peau à la Régie Renault?
Jamais!

Vous êtes-vous réconcilié avec lui?
Nous n'avons jamais été fâchés. Ce n'est pas à lui que j'en voulais mais aux responsables de Renault.

Justement, l'année suivante, après avoir raté la saison des Grands Prix, vous accusez la Régie d'incompétence. Encore publiquement. A cette époque, vous étiez extrêmement impopulaire. Il paraît que l'on dégradait vos voitures la nuit et que vous receviez des lettres d'insultes... Est-ce pour cette raison que vous vous êtes réfugié en Suisse?
Ça a joué... Beaucoup se sont imaginés que j'étais parti là-bas uniquement pour des raisons fiscales. Mais j'avais aussi besoin d'air.

Etes-vous rancunier?
Je ne me venge jamais, Par contre, je n'oublie rien.

S'il y a un pilote que vous détestez sur la piste, êtes-vous tenté de lui faire un coup fourré?
Je traite par l'indifférence ceux que je n'aime pas. Sur la piste, il n'y a pas les pilotes que j'aime et ceux que je n'aime pas. Il y a les bons et les moins bons ceux qui sont plus dangereux et dont on se méfie au dépassement.

Que pensez-vous de l'image que les médias renvoient de vous aujourd'hui?
D'une manière générale, je n'aime pas l'image que les médias renvoient des gens connus. C'est souvent stéréotypé. On nous colle des étiquettes...

Quelle est la vôtre?
Sur le plan professionnel, on me reconnaît volontiers du sérieux. En fait, je n'ai pas changé fondamentalement entre le moment où j'ai été très impopulaire et à présent, où je suis bien admis. Je suis resté le même. Mais les vedettes sont des produits de consommation. Nous sommes manipulés. Faut faire avec.

Revenons au championnat du monde 88. Nouveau coéquipier, nouvelle équipe, nouveau moteur aussi: vous passez d'un moteur Porsche à un moteur Honda.
Oui. Et puis, à cause des nouveaux règlements, il a fallu modifier la voiture. L'affiner, puisqu'elle aura moins de puissance.

Quelle est maintenant la puissance autorisée?
700 chevaux, à peu près. Alors qu'on avait largement dépassé les mille chevaux avec l'ancienne réglementation.

Cette limitation ne pose-t-elle pas des problèmes?
"Pas de problèmes...", ce n'est pas évident, parce qu'il a fallu régler la question de la consommation d'essence...

Allez-vous conserver un moteur turbo tout au long de la saison?
Nous ne savons pas encore. En tout cas, nous commençons avec et, franchement, je ne vois pas pourquoi nous changerions en cours de saison...

Vous travaillez aussi avec une nouvelle équipe. En quoi les Japonais sont-ils différents dans leur manière de travailler?
Ils sont différents dans leur mentalité et aussi dans les moyens qu'ils mettent en œuvre. Cette participation en F1, c'est pour eux un banc d'essai. Ils font énormément d'efforts pour gagner. Non seulement pour en avoir les retombées au niveau de leur image et de la publicité, mais surtout pour prouver au monde extérieur que leur technologie est la meilleure.

Est-ce agréable de travailler avec eux?
Pour l'instant je ne peux pas dire si c'est plus agréable ou moins agréable. Disons que c'est différent. La barrière du langage est très importante. Même s'ils parlent anglais, on n'arrive pas à dialoguer avec eux comme avec des Anglais ou des Allemands.

Et à part la barrière de la langue?
(il réfléchit) Ce ne sont pas des gens comme nous... Dans le travail, bien sûr, ce n'est pas très grave. Mais ils sont un peu susceptibles, très sensibles... Ils travaillent énormément. Beaucoup plus que nous. Ils commencent leur journée très tôt, ce qui ne les empêche pas de finir très tard le soir. Quand j'ai des rendez-vous à Tokyo, ils se terminent souvent dans des clubs à une heure, deux heures ou même trois heures du matin.

Le résultat du premier Grand Prix est-il capital pour la suite de la saison?
Non, je ne le pense pas. J'ai été champion du monde en 86 sans gagner la première course. En revanche, il est important de montrer tout de suite qu'on est là, même si on ne fait pas un bon résultat. C'est essentiel pour l'équipe. Surtout cette année où nous avons une nouvelle voiture et un nouveau moteur. Il faut partir du bon pied, éviter qu'il y ait un accroc dès le début.

Quel est le rôle d'un pilote dans la mise au point d'une voiture de Formule 1?
Il faut distinguer le travail sur le châssis et le travail sur le moteur. En ce qui concerne le moteur, les modifications se font surtout à partir des informations recueillies par l'ordinateur. Le pilote ne fait que donner ses propres sensations. Pour ce qui est du châssis, il en va autrement. C'est moi qui en fais la mise au point avec les ingénieurs.

Contrairement à ceux-ci, vous n'avez pas fait d'études de haut niveau. N'est-ce pas un handicap pour effectuer le réglage d'une F1?
Il n'y a besoin ni de livre, ni de professeur pour apprendre. Il suffit d'avoir de la volonté. J'aime fréquenter ceux qui sont compétents, aussi bien dans le domaine mécanique que dans tous les autres. J'ai appris la mécanique à 16 ans sur le tas en bricolant mon premier kart. Au bout d'un an, je préparais même les moteurs des autres!

Et à l'école, vous n'avez rien appris?
Au début, j'étais bon élève, ensuite, c'est devenu un peu une obligation...

J'ai lu que vous aviez cessé de vous intéresser à votre scolarité du jour où le classement de fin de mois avait été supprimé. Est-ce vrai?
(il rit) C'est sûr que quand le classement a été remplacé par des appréciations, j'ai été déçu. Le classement donne une motivation importante.

Quel a été votre premier engin de locomotion à roues?
Un vélo...

C'est sur un vélo que vous avez éprouvé vos premières sensations de vitesse?
Non, au contraire, je me souviens, j'étais plutôt prudent!

Comment la passion de la course automobile vous est-elle venue?
D'abord grâce à mon frère qui s'y intéressait. Et puis, quand je suis monté pour la première fois dans un kart, à 14 ans. Ça a été un choc. J'étais à Antibes en vacances avec mes parents. Il y avait une petite course organisée, comme ça, et d'un seul coup, j'ai attrapé le virus. Pendant deux ans, je n'ai pensé qu'à cela. C'était comme un rêve. Et j'ai fini par m'acheter un kart.

Mais cela coûte cher!
A cette époque-là, pas excessivement. J'ai acheté un kart d'occasion qui m'a coûté 700 francs à peu près. Pendant ma première année de compétition, c'est ma mère qui transportait mon kart derrière la R 16 familiale. Mais au bout d'un an, je suis passé semi-professionnel.

Votre père vous aidait-il aussi?
Pas du tout. J'avais seulement "squatterisé" un coin de son atelier de fabrication de meubles pour préparer mes châssis et mes moteurs. A une certaine époque, je vendais même des pièces détachées. Je faisais de la représentation pour la région Rhône-Alpes. Cela me faisait un peu d'argent de poche pour courir.

Qu'auriez-vous fait si vous n'aviez pas été coureur automobile?
Je ne sais pas parce que, dès l'âge de 16 ans, j'ai presque tout basé là-dessus. J'ai arrêté le foot alors que j'y jouais depuis une dizaine d'années. J'ai aussi arrêté l'école et je me suis mis à travailler à l'atelier avec mon père. J'ai devancé l'appel. J'avoue que je n'ai jamais envisagé l'échec. Donc je ne peux pas dire ce que j'aurais fait.

A une époque, vous aviez pourtant voulu être moniteur d'éducation physique.
C'est exact, j'ai fait le monitorat d'éducation physique. Enfin, disons, j'ai essayé de le faire...

Et pourquoi avez-vous devancé l'appel?
Pour pouvoir entrer immédiatement après mon service militaire dans l'école de pilotage Paul Ricard. Il fallait avoir 19 ans puisqu'ils exigeaient un an de permis de conduire derrière soi.

Au fait, vous l'avez eu du premier coup, ce permis de conduire?
(il rit) Oui, du premier coup, code et conduite!

Qui payait les frais de scolarité de cette école de pilotage?
J'avais une bourse qui était offerte par la Fédération puisque j'étais champion de France, il n'y avait aucune possibilité pour moi de faire autre chose que du karting. Je veux dire aucune possibilité financière... Sorti premier de cette école, j'ai été sacré "pilote Elf". J'ai reçu comme prix le financement d'une saison en Formule Renault, voiture comprise. C'est-à-dire l'équivalent de 150 000 à 200 000 francs.

Vous vous dites libéral et vous critiquez le "tout Etat". Mais vous-même, petit provincial sans ressources, n'auriez jamais été champion du monde sans l'aide de Elf, cette grande entreprise nationalisée...
Il ne faut pas voir les choses comme ça. Moi, j'ai gagné le concours de l'école de pilotage Paul Ricard dans lequel Elf était le sponsor. Mais ce concours aurait pu être organisé et sponsorisé par n'importe qui d'autre. Et quand je parle de "sponsoring", je ne parle pas de mécénat. (ton vif) Jamais personne ne s'est comporté en mécène vis-à-vis de moi. Le sponsoring, c'est de la publicité: le sponsor vous donne quelque chose et il attend quelque chose de vous en contrepartie. Mon association avec Elf a été fantastique, et l'est restée aujourd'hui.

Vous avez rencontré votre future femme au lycée. Etait-ce elle, la "forte en thème"?
(il rit) A cette époque-là, ben oui!

N'était-ce pas difficile à vivre?
Non, puisque quand je l'ai connue, j'avais déjà presque décidé d'arrêter l'école et de me lancer dans la vie professionnelle. On avait des rêves secrets. Moi, c'était d'être champion de France et elle d'avoir le bac.

Ces rêves étaient-ils compatibles?
Oui, tout à fait, bien sûr.

Selon vous, est-ce une bonne chose de rencontrer sa femme si jeune ou bien est-il préférable de connaître des expériences sentimentales avant de se marier?
(évasif) Je pense qu'il est préférable d'avoir des expériences, de toute façon...

Au fond, vous avez sacrifié beaucoup de choses à la course. Le regrettez-vous?
J'ai réussi, donc je n'ai pas à regretter. En plus, je ne suis pas tellement homme à regretter...

Pourtant, vous avez dit un jour: "J'ai sacrifié toute ma jeunesse. Je pensais pouvoir me rattraper par la suite. Mais on ne rattrape jamais ce genre de chose."
C'est vrai. J'ai une certaine nostalgie. Entre 16 et 20 ans, j'ai vraiment tout sacrifié pour pouvoir faire du karting. Quand j'observe aujourd'hui les gamins de cet âge-là, comme ils sont décontractés, comme ils s'amusent, je ne peux pas m'empêcher de penser que j'ai raté quelque chose. Mais si j'avais été comme eux, sans doute ne serais-je pas champion aujourd'hui.

Jacques Laffite a eu à votre sujet une phrase très dure: "Pour en arriver là où il est, Alain a suivi une ligne droite. Il a mis des œillères. Il a oublié sa femme, sa famille, son fils, tout." Est-ce vrai?
Elle paraît un peu dure, c'est vrai, cette phrase, quand on l'écoute à froid. Je sais que Jacques l'a réellement prononcée. Mais je le connais bien. Ce qu'il a voulu dire – et c'est vrai – c'est que pour faire ce métier correctement, il faut ne penser qu'à cela. En parlant ainsi, il pensait surtout à lui qui a toujours agi un peu en dilettante, qui aime s'amuser et privilégier plus sa vie privée que sa vie professionnelle. Jusqu'à présent, j'ai toujours considéré, moi, qu'il valait mieux se défoncer pendant cinq ans ou dix ans pour réussir vraiment, quitte à lever un peu le pied par la suite.

Parmi les grands sacrifices, il y a l'hygiène de vie. Vous vivez comme un moine?
Disons que je suis très strict. Les pilotes de F1 de haut niveau ont tous à peu près la même expérience et des voitures plus ou moins équivalentes. Il faut pourtant faire la différence. C'est dans ce domaine-là qu'on peut agir.

Sur la nourriture?
Pas seulement. C'est l'hygiène de vie en général qui doit être stricte. Il faut faire du sport, manger correctement, ne pas fumer, ne pas boire, savoir se reposer quand il faut, etc. C'est à cause de cette discipline que je m'impose, que ma carrière, qui commence à être assez longue, est exceptionnellement compétitive par rapport à celle des autres pilotes. Se maintenir au top – beaucoup ne s'en rendent pas compte – est dix fois plus difficile que de se contenter d'un milieu de grille. Quand vous êtes en milieu de grille, vous avez peu d'essais à faire dans la saison; souvent, vous ne finissez pas les courses, vous voyagez moins, vous avez moins de contrats avec les sponsors, moins d'obligations, de promotions. Les journalistes ne vous embêtent pas...

Vous ne vous laissez jamais aller?
Si, je fais un bon repas de temps en temps. Il est impossible de ne pas faire d'écarts. Ceux-ci sont même nécessaires à l'équilibre du corps et de l'esprit.

Vous arrive-t-il de boire?
Très, très peu. Un bon vin, de temps en temps. Ce n'est pas pour faire de la pub, mais je ne bois que du bordeaux.

N'est-il pas trop difficile de résister aux tentations, à l'alcool, aux femmes surtout?
C'est une question d'éducation. L'existence que l'on a menée pendant l'enfance et la jeunesse est déterminante pour la suite.

Avez-vous toujours mené cette vie ascétique?
Non. Avant 1984, quand j'étais chez Renault, je ne faisais pas du tout attention à la nourriture. Puis, j'ai commencé à faire du footing, de la gymnastique et un régime pour maigrir.

En quoi consiste ce régime?
Très peu de viande, surtout pour éviter les graisses et tous les trucs qui fatiguent. En fait, il n'y a pas de secret: mon régime est à base de laitage, de crudités, de poisson. Ce ne sont pas des produits miracle. Ce sont les produits de la ferme, comme on dit... (il rit)

Y a-t-il des pilotes qui ne respectent pas cette hygiène de vie?
"Qui ne respectent pas", non, mais qui sont moins sérieux que moi, c'est certain.

On parle de doping dans beaucoup de sports. En Formule 1, ça n'existe pas?
Comment, ça n'existe pas? Je ne sais pas, moi, si ça n'existe pas. A chaque fois qu'on pose la question à un sportif sur le dopage dans son sport, il dit que ça n'existe pas! Moi, je ne dis pas ça... je dis que je ne suis pas assez calé pour savoir si ça existe ou non...

Avez-vous vu des pilotes de Formule 1 prendre certains produits ?
Je n'en ai jamais vu mais ça ne veut rien dire. Dans les sports où l'on se dope, personne n'a jamais vu personne avaler un quelconque produit! De toute façon, souvent, "dopage" est un bien grand mot. Dans certains sports, il est tout à fait normal de rééquilibrer l'organisme avec des médicaments.

Et en F1?
Il y a eu des doutes émis l'année dernière au sujet de certains pilotes. Et cela, uniquement lors des essais qualificatifs. Ils auraient pris quelque chose qui fait de l'effet sur une période très courte, pour, par exemple, faire un bon temps sur un tour. En course, on a remarqué aussi que certains éprouvaient une fatigue qui était un petit peu, bon, à mon avis, anormale. Ce qui signifierait peut-être que les produits qu'ils ont ingurgités n'ont pas eu l'effet désiré.

Quels produits?
Ça, je ne sais pas. Mais s'il y a le moindre doute – et cela est valable pour n'importe quel sport –, il faut faire des contrôles, et puis c'est tout.

Vous souhaitez donc qu'il y ait des contrôles anti-doping en F1?
Oui! Moi, de toute façon, je ne me dope pas. Alors si un concurrent réussit à faire la différence avec moi parce qu'il a pris des trucs qui, en tout état de cause, sont très mauvais pour l'organisme, je trouve que c'est très injuste. En plus, nous faisons un sport dangereux et nous ne sommes pas seuls sur la piste, hein! Le sauteur à la perche, lui, il est tout seul. Le lanceur de javelot aussi – sauf qu'à la limite, il peut toujours lancer le javelot dans la foule s'il lui prend un éclair dans la tête! Mais nous, nous risquons notre peau au milieu des autres. Donc, il vaut mieux que les pilotes ne fassent pas n'importe quoi.

Si un jour vous surprenez un pilote en train de se doper, que faites-vous? Vous le dénoncez?
C'est la seule chose que je peux faire. Et obtenir aussi qu'il y ait des contrôles plus stricts dans l'avenir. De toute façon, il est très difficile d'avoir des certitudes en ce qui concerne le doping. Mais si on a des doutes, comme ça a été le cas l'année dernière, plutôt que de discréditer tout un sport, il vaut mieux faire des contrôles préventifs.

Quel est votre emploi du temps un jour de Grand Prix?
C'est simple, je me lève très tôt le matin. Je vais sur le circuit de bonne heure parce qu'on fait toujours des essais le matin avant la course.

On peut faire l'amour la veille d'une course?
Il n'y a pas de contre-indication. Mais un quart d'heure avant le départ, il vaut mieux pas...

Comment occupez-vous votre temps pendant les heures qui précèdent le départ?
Je reste la majeure partie du temps, soit dans la voiture, soit avec les gens de l'équipe, soit à discuter avec les ingénieurs. Il faut toujours être présent parce qu'il y a beaucoup de détails dont on ne peut décider qu'au dernier moment, ne serait-ce qu'à cause des conditions météo. S'il pleut, il faut changer tous les réglages de la voiture. Il faut décider aussi du choix des pneumatiques.

C'est vous qui en décidez?
Non, la décision absolue ne vient pas de moi. C'est le stand qui me conseille. Mais on peut essayer de prévoir à l'avance les changements et s'adapter.

Vous êtes croyant. Faites- vous une prière avant de monter en voiture, comme le torero avant d'entrer dans l'arène?
Non. Je suis très croyant, c'est vrai. Mais ce sont deux domaines complètement séparés pour moi.

Vous voici donc dans le cockpit. Le départ est donné. Au fait, qu'est-ce qu'on voit du paysage à 300 kilomètres/heure?
Rien. Juste un environnement que vous voyez sans le regarder. Il y a celui de Detroit, par exemple, qui est odieux, ou celui de l'Autriche qui est beau. A partir de là, vous vous sentez bien ou vous ne vous sentez pas bien.

Vous arrive-t-il d'être grisé par la vitesse?
Rouler à 340 kilomètres/heure dans une ligne droite ne me fait ni chaud ni froid. Mais quand, dans une courbe, à 280 kilomètres/heure, je mets une roue dans l'herbe et me rattrape de justesse, c'est différent, parce que je risque de me tuer. Ce genre d'incidents, les pilotes les évoquent ensuite généralement en riant, comme s'ils défiaient la mort. C'est cela qui procure une incroyable griserie en F1, non pas la sensation de vitesse mais la sensation de défier la mort. Cela donne un très grand amour de la vie...

Johnny Rives, dans un très beau texte, vous décrit lors d'une course sur le circuit de Monaco. Au sommet de la côte de Beaurivage, vous apercevez l'aileron blanc de la voiture de Lauda. Vous le reconnaissez et parce que c'est lui, vous savez qu'il va serrer à droite et que vous pourrez passer en confiance. C'est quand même un sacré coup de poker que vous jouez...
Vous avez raison. C'est précisément là, dans ce genre de circonstance, que le bon pilote fait la différence. Dans la prise de risque...

Pour calculer ce risque, vous disposez d'un dixième de seconde à peu près!
Non. Un centième de seconde. La qualité d'un très bon pilote par rapport à un moins bon tient essentiellement à cela: réduire le temps de réflexion.

Rives évoque aussi la chicane que vous abordez à la sortie du tunnel à 287 kilomètres/heure. Il dit qu'il faut "des gestes de chirurgien" pour passer. Ça se joue vraiment au millimètre près?
Oui. Vous le sentez très bien quand vous êtes un peu moins en forme ou que votre voiture est un peu moins bien réglée. Vos gestes sont un peu moins précis, un peu plus brusques et vous vous dépensez plus physiquement.

Quand vous ralentissez, il paraît que vous avez le temps de reconnaître des têtes familières.
C'est vrai...

Est-il exact que certains coureurs disposent d'un système pour boire pendant la course?
Pratiquement tous. Je suis l'un des seuls qui n'en veut pas. J'ai bu une seule fois pendant la première moitié d'une course. Ça m'a complètement déconcentré.

A part les panneaux, avez-vous d'autres moyens pour dialoguer avec votre stand?
Oui, la radio. Mais, là encore, je n'apprécie pas trop. J'aime bien leur parler mais je n'aime pas qu'ils me parlent!

Cela vous est-il déjà arrivé de rêver que vous étiez au volant d'une F1?
Oui. Cela m'arrive même souvent... Je rêve surtout que je gagne des courses!

Vous avez déjà rêvé que vous aviez un accident?
Non. Jamais. L'accident, c'est le cauchemar. Je n'y rêve pas mais je peux très bien y penser pendant la journée. Disons que ça m'arrive.

Il vous arrive d'avoir peur?
Oui. La peur de l'accident me traverse souvent l'esprit. Les pilotes qui prétendent ne pas la connaître mentent. Ne pas y penser, c'est de la pure imbécillité et c'est là qu'on risque de faire des conneries.

Avez-vous assisté à des accidents graves en Fl?
Oui... Le seul accident que j'ai vraiment vu est celui de Didier Pironi. Il m'a percuté sur le côté arrière. Sa voiture s'est envolée. Elle est passée au-dessus de moi. Je l'ai entendue retomber par terre. Je me suis approché mais je suis reparti immédiatement. Je suis revenu au stand avec l'envie de tout arrêter.

Vous avez dit récemment: "Maintenant, je ne prendrais plus les risques que j'ai pris pour être champion du monde." Quel genre de risques?
Ils n'étaient jamais superflus. Il est vrai que dans le passé, pour faire de meilleurs résultats aux essais, j'ai pris quelques risques. Mais à l'heure actuelle, je n'en ai plus vraiment envie.

C'est ce que vous vouliez dire, au début de notre entretien, en déclarant que Senna était "plus frais" que vous?
L'expérience et l'âge sont des atouts qui compensent un petit peu, je crois, le fait d'avoir moins envie de prendre des risques.

Quelques heures avant le Grand Prix du Portugal 1987, vous avez appris la mort de votre frère aîné qui avait 33 ans. Avez-vous fait cette course comme n'importe quelle autre?
(voix plus hachée) Non, pas vraiment. J'ai essayé de faire le vide. Je crois que c'est une de mes qualités et, dans certains cas, ça sert énormément cette faculté de faire le vide autour de soi dès que l'on est installé dans sa voiture. Malgré tout, il y a des moments, comme celui que vous évoquez, où il est difficile de s'empêcher de penser...

Si votre mère vous demandait aujourd'hui d'arrêter de courir, le feriez-vous pour elle?
Non, mais j'en tiendrais compte.

En roulant plus doucement?
Non... J'en tiendrais compte, c'est tout... (il prend l'air grave) Vous savez, quand quelqu'un que le pilote aime beaucoup lui demande d'arrêter de courir, cela risque de le troubler énormément. C'est grave...

Est-ce vrai que votre fils qui a huit ans n'a pas le droit de regarder la retransmission des Grands Prix à la télévision?
C'est vrai.

Est-ce que vous conduisez vite sur la route?
En Suisse, ils ne plaisantent pas avec ça. Je fais très attention.

Vous êtes quand même passé devant un tribunal pour excès de vitesse!
Oui, bien sûr, mais vous savez, tout le monde peut être pris pour excès de vitesse sur l'autoroute.

Est-ce vrai que votre mère vous a pris un jour le volant des mains parce qu'elle trouvait que vous conduisiez trop mal?
(il rit) Oui. Elle m'a pris le volant sous prétexte que je roulais trop vite mais elle a roulé encore plus vite que moi!

Quelle voiture avez-vous?
J'ai une Mercedes. Parce que (il rit à nouveau) j'ai des bons "deals" avec Mercedes. Et j'ai aussi une petite Honda.

Vous avez la réputation d'être avare. C'est Jacques Laffite qui fait courir ce bruit...
J'ai manqué d'argent pendant longtemps, alors, forcément, j'ai appris sa valeur. Le fait de courir sans cesse pour essayer de trouver de l'argent et des sponsors, de se retrouver un peu juste à la fin du mois, tout ça aide à comprendre la valeur de l'argent. Et puis, j'ai une mentalité un peu terrienne. (il rit)

Combien gagnez-vous par an?
Je préfère ne pas répondre. Par pudeur. Lorsque je gagnais mal ma vie, je me souviens de ce que je ressentais lorsqu'on parlait d'argent devant moi. Si je dis ce que je gagne aujourd'hui, cela va faire rêver la moitié des gens et les autres, ça va les rendre jaloux. Une moitié va m'aimer, l'autre me détester. Alors je préfère fermer ma gueule.

J'ai lu que vous mettez de côté 90 % de l'argent que vous gagnez...
Disons que j'essaie d'investir et de ne pas tout brûler d'un coup...

Avez-vous perdu de l'argent dans le krach boursier?
Un petit peu, oui, comme tout le monde... Disons que c'est plutôt un manque à gagner. Quand les gens disent qu'ils ont "perdu", ils oublient de préciser, la plupart du temps, qu'ils avaient fait auparavant des bénéfices énormes.

Votre pub avec Midas, c'est franchement pas bon. Pourquoi l'avez- vous faite?
Je l'ai faite parce qu'ils le demandaient depuis assez longtemps. Ils avaient besoin d'un support. La pub n'est pas parfaite, je suis d'accord, mais c'est très difficile, vous savez, de faire une bonne pub! On va en faire une nouvelle cette année. Celle-là va être très, très bonne.

Toujours avec Midas?
Oui. Je persiste parce que, justement, beaucoup de gens ne l'aiment pas et je trouve ça drôle. J'ai un esprit un peu frondeur. En plus, Midas a réussi son pari. Tout le monde a parlé de cette pub et, grâce à moi, ils ont pu développer leur image. C'est donc un succès.

Est-ce que cela vous a rapporté beaucoup d'argent?
Pas mal, oui, c'est bien payé. (il rit)

A la question de savoir quand vous comptiez arrêter la compétition, vous aviez répondu à Playboy, en 1985, "pas avant 87". Nous sommes en 88. Vous êtes-vous fixé une nouvelle date?
Je ne veux pas répondre à cette question. Aujourd'hui, tout va tellement vite qu'il ne faut jamais dire: "Je ferai ci, je ferai ça." Il faut faire attention...

A quel moment un sportif doit-il s'arrêter?
C'est difficile. Mais je crois qu'il est encore plus mauvais pour lui de s'arrêter trop tôt que trop tard.

Faites-vous allusion à Michel Platini? Le croyez-vous frustré?
Peut-être en effet Michel aurait-il dû continuer encore un peu. Quand on se trouve au top, cela doit être très difficile de redevenir un homme de la rue. En ce qui me concerne, peut-être aurais-je déjà dû m'arrêter, puisque je suis au sommet. Mais un mois après avoir pris cette décision, j'aurais eu envie de revenir. Et ça, ça doit être odieux. On doit finir par regretter tout ce qu'on a fait dans la vie.

Est-ce que ça ne sera pas très dur pour vous de changer complètement de vie après vous être défoncé si longtemps dans ce métier?
Si. Je pense que j'en souffrirai beaucoup. A moins que je ne parvienne à faire quelque chose dans ce milieu-là. Une équipe de Formule 1, par exemple. C'est un projet qui peut prendre forme avec Peugeot mais je ne le réaliserai que si j'ai suffisamment d'atouts dans mon jeu.

Avec une équipe française, purement française?
J'aimerais bien. Ce serait le but.

Pourquoi? A cause de la France, du drapeau? Ça compte beaucoup pour vous, ça?
(il rit) Oui, plus on vieillit et plus ces notions prennent de l'importance.

Etes-vous prêt à engager vos propres capitaux dans une telle entreprise?
Jamais, pas un sou! Pas un centime! De la même façon, je n'ai jamais sorti un seul franc de ma poche pour courir. Si on commence, il n'y a plus de raison de s'arrêter.

Combien coûte une voiture de F1?
Il est impossible de donner le prix d'une voiture. Il faut calculer en terme de budget pour une saison. Le budget d'une écurie varie entre cinquante millions de francs pour les petites et trois cents millions de francs pour les plus importantes.

A propos du Paris-Dakar, vous avez déclaré que l'étalage des sommes folles qui y étaient investies était indécent. Qu'avez-vous à répondre à Jean- Marie Balestre qui vous a conseillé de "balayer devant votre porte"?
Ma réflexion a été sortie de son contexte par les journalistes. Je voulais simplement dire que pour les jeunes pilotes qui viennent de Formule 3, de Formule 3 000, et qui attendent à la porte de la Formule 1 parce qu'ils ne trouvent pas d'argent, il est presque indécent pour eux de constater qu'il est si facile de trouver un budget pour un Paris-Dakar.

Comment donner leur chance à tous ces jeunes pilotes, même s'ils n'ont pas d'argent?
Il n'y a pas de miracle. Le sport est devenu un phénomène social. Toutes les grandes entreprises font de la publicité à travers le sport parce que c'est un créneau très porteur, surtout à cause de la télévision.

Pensez-vous que le Paris-Dakar a bénéficié de trop grandes retombées médiatiques, par rapport aux Grands Prix de F1, par exemple?
Pas du tout. Le Paris-Dakar a lieu pendant une période de l'année où il n'y a pas d'autre actualité sportive brûlante. Il est donc logique que les médias lui donnent un large écho.

Vous parliez tout à l'heure de votre amour du drapeau français. Seulement, dans trois semaines, vous allez courir pour les Japonais et les aider ainsi à imposer leur technologie en Europe. Dans la guerre économique qui se joue, n'est-ce pas une forme de collaboration avec l'ennemi?
Ben oui! Et qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? J'ai toujours dit que c'était dommage. Je l'ai dit après avoir signé mon contrat avec eux. J'ai dit aussi que leur arrivée en F1 constituait un péril pour l'Europe. Qu'il était regrettable que la France qui, depuis l'origine, est l'artisan de toutes les évolutions technologiques pointues en F1 ne relève pas le défi avec les super techniciens qu'elle a. Je l'ai dit mais, encore une fois, que voulez-vous que je fasse? Que je me mette du côté du plus faible par idéologie? Que je reste à la maison et que je regarde les Grands Prix à la télévision? Demain, s'il y a un projet français, je suis prêt à m'y investir complètement. A condition que cela soit pour gagner, bien sûr.



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