CLASSICDRIVER.COM, 10.02.2011

Cinq questions à Alain Prost


Alain Prost (55 ans) a remporté quatre fois le championnat du monde de Formule 1. Si c’est surtout pour des courses sur glace qu'il prend aujourd’hui le volant d’une voiture de course, il n’a pourtant rien perdu de sa passion pour ce sport au fil des ans.

Monsieur Prost, vous avez déjà conduit d’innombrables voitures au cours de votre longue carrière. Avez-vous également conduit une voiture électrique?
Oui. En novembre 2010, j’ai conduit une Tesla lors du Race of Champions à Düsseldorf. Le parcours dans le stade avait de nombreux virages très serrés et n’était donc pas vraiment un parcours typique, mais la façon dont cette voiture se conduit m'a agréablement surpris. Dans une voiture classique, on appuie sur la pédale d'accélérateur et on ressent immédiatement la puissance du moteur, parfois même un peu trop! Dans la Tesla, c'est tout à fait autre chose, plus doux en quelque sorte. Mais il faut que je la conduise encore une fois sur une route normale pour pouvoir mieux en juger.

Il y a des années de cela, vous avez dit qu'une rayure sur la carrosserie d'une voiture que vous conduisez vous causait une douleur quasi physique. C'est encore le cas aujourd'hui?
Absolument. Quand je suis assis dans une voiture de course, je ne veux pas lui faire mal. Ainsi par exemple, je n'aime pas trop rouler brusquement sur une bordure. Je sais bien sûr que c'est parfois nécessaire pour gagner en vitesse, mais ça m'est désagréable. Jamais non plus je ne jetterai le volant par terre dans un geste de colère en sortant du véhicule comme le font aujourd'hui certains conducteurs de Formule 1. J'ai toujours eu un lien très étroit avec mes voitures, souvent d'ailleurs plus étroit que mes relations avec les mécaniciens ou les ingénieurs. Le sport automobile est une affaire de passion, mais aussi une question de respect. Lors de ma toute première saison chez McLaren, je disais aux mécaniciens: nettoyez la voiture, nettoyez la aussi bien que possible, l'extérieur comme l'intérieur. En effet, quand je rentre dans le garage et que je vois une voiture propre, je veux absolument la conduire. Et ça, ça a une répercussion positive sur mes performances.

Cette attitude correspond bien à la précision de votre style de conduite pour lequel vous êtes célèbre. Êtes-vous aussi précis dans votre vie privée?
Je le suis effectivement, et peut être même un peu trop. Une raison pour laquelle beaucoup de gens prétendent que je suis assommant. Dans le sport automobile, la précision est un facteur décisif: le manque de précision fait commettre des erreurs et perdre du temps. Mais je ne suis pas sûr que la précision ait une aussi grande valeur dans la vie privée.

Depuis quelques mois, vous êtes l'ambassadeur de la marque de montres TAG Heuer. Combien de montres possédez-vous?
Je dois bien en avoir une soixantaine; d'ailleurs j'en avais plus, mais quelqu'un m'en a malheureusement volé 15 ou 20. Ce n'est pas vraiment une collection, mais j'aime chacune de ces montres. Pour moi, ce ne sont pas simplement des objets de valeur qui constituent un placement; je les apprécie et je les porte. Souvent déjà, des fabricants de montres m'ont proposé des contrats, mais j'ai opté pour TAG Heuer. C'est une amitié qui fait partie de mon histoire. Pendant 35 ans, nous étions liés d'une façon ou d'une autre, et j'en suis très fier.

Il n'y a pas si longtemps, la France avait huit conducteurs en Formule 1 et des équipes légendaires comme Ligier ou Matra. Aujourd'hui, il n'y a plus un seul conducteur français en Formule 1, et même le Grand Prix français a disparu. Que s'est-il passé?
Malheureusement, le public français ne s'y intéresse plus assez. Et il y a bien sûr les problèmes économiques qui nous font du tort, mais j'ai parfois l'impression que nous n'aimons plus les voitures. Notre pays est quasiment devenu autophobe. Les fabricant ne semblent pas non plus avoir trouvé la bonne stratégie pour y changer quelque chose. On n'investit plus dans le sport automobile car les sponsors croient qu'à une époque où tout le monde parle de protection de l'environnement, un engagement de leur part nuirait à leur image de marque. Nous sommes réellement au creux de la vague. Mais c'est parfois une bonne chose dans la vie que d'en arriver là, parce qu'on peut espérer commencer un nouveau cycle.

Interview: Martin Strathmann / www.classicdriver.com



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