Interview: Jean-Moise DUBOURG

A l’approche du GP de Grande-Bretagne, Alain Prost nous livre son analyse. Après le renouveau de Ferrari à Magny-Cours, le quadruple champion du monde estime que Silverstone va permettre de clarifier le championnat.

Comment expliquez-vous le retournement de situation entre le Grand Prix des Etats-Unis et le GP de France?
On peut l’expliquer de deux manières. La Ferrari est une voiture assez typée, relativement longue avec un empattement très long certainement un petit peu moins maniable comme on l’a vu à Monaco. On pensait qu’elle allait être un petit mieux au Canada et surtout à Indianapolis mais il ne faut pas oublier qu’il y a une partie très rapide mais qu’après, il y a une succession d’enchaînements moyens et même très lents pour deux ou trois virages. C’est la première explication mais qui n’expliquait pas tout de la contre-performance des Ferrari par rapport au début de saison. Le circuit de Magny-Cours leur convenait un peu mieux. Avec les pneus uniques, on verra - selon les circuits, la température, la nature des virages - une équipe prendre le pas sur l’autre. Ce qui est plus surprenant c’est que Ferrari soit revenu au niveau de McLaren et même un petit mieux parce qu’ils étaient pratiquement intouchables à Magny Cours. Donc on va voir si ça tend à se confirmer à Silverstone mais c’est une bonne surprise dans l’optique du championnat.

Est-ce que Raikkonen peut jouer le titre en continuant comme cela?
Pour Raikkonen, jouer le titre dépendra de sa constance à être le vrai Raikkonen, celui qu’on a vu dimanche. Il n’a pas surclassé Massa, son coéquipier. Il a profité un peu du trafic dans lequel était englué le Brésilien mais il a fait une course sans faute avec une stratégie un peu différente. C’est du niveau d’un pilote qui peut être champion du monde. Rappelons qu’il n’a pas encore gagné de championnat. Il n’a pas exactement toutes les clés. Il n’a jamais été très régulier, il a beaucoup joué de malchance mais s’il veut vraiment gagner, il faut qu’il soit compétitif à toutes les courses. Si la Ferrari est de nouveau compétitive, il va reprendre le moral et aller de l’avant mais il a un retard qui est assez conséquent. Dans la mesure où les voitures sont très fiables, sauf accrochage ou accident, il y a peu d’abandon sur casse mécanique ou technique. L’écart de 20 points est donc déjà considérable. On vit au jour le jour, course par course, donc on va voir ce qui va se passer, ce qui est intéressant parce que dans les deux équipes il y a cet aspect technique/performance. Les quatre pilotes sont à égalité, il n’y a pas un pilote de privilégié dans les deux équipes de pointe. C’est la première fois depuis très longtemps que l’on voit quatre pilotes lutter pour un titre avec deux équipes différentes sans consigne d’équipe. Tout est ouvert.

Est-ce que McLaren a commis des erreurs le week-end dernier?
Je pense que McLaren a commis une petite erreur de stratégie que je ne qualifierais pas vraiment d’erreur dans la mesure où ils ont beaucoup misé sur les conditions météorologiques qui annonçaient de la pluie le dimanche. Ils ont eu une stratégie à trois arrêts et ont été un peu conditionnés par ça. Ils ont été trop confiants par rapport à leurs résultats passés. Ce sont plus des circonstances qui ont été en leur défaveur. La vérité, c’est que Ferrari a un peu haussé le ton ce week-end.

Un scénario idéal pour une fin de saison superbe…
Il est idéal pour une fin de saison très intéressante et certainement très mouvementée dans les équipes. Je pense que le rôle de Jean Todt et de Ron Dennis va être compliqué. Il y a un moment où les quatre pilotes ne pourront pas lutter pour le titre jusqu’à la fin sans consigne d’équipes certainement indispensables. C’est celui qui va se positionner le mieux d’ici les deux, trois prochains Grand Prix qui va récolter la mise. Pour le moment, Hamilton a un avantage assez important sur Alonso. Tout est encore jouable mais il va y avoir des rebondissements.

Est-ce que le Grand Prix de Grande-Bretagne peut être le même style de course que le Grand Prix de France?
Le GP de Grande-Bretagne va être d’un intérêt particulier. La météo n’est jamais certaine là-bas, on a déjà ce facteur impondérable. On a le facteur Hamilton. Il est en Angleterre pour la première fois, dans son fief, sur son Grand Prix dans son pays, avec une pression énorme. La première des choses sera de voir comment il va résister à une pression vraiment exacerbée. Il va certainement être très protégé par son équipe mais ça va être compliqué pour lui. Ferrari a fait des très bons essais à Silverstone sur les terres des équipes anglaises. On va voir comment ils vont se comporter tout en sachant que le châssis Ferrari devrait bien fonctionner. On va voir un Grand Prix intéressant qui devrait nous donner un peu plus d’indications pour les prochaines courses.

Votre pronostic?
Sur le Grand Prix de Silverstone, je mise un peu plus Ferrari, de par ce qu’on a vu sur conditions sèches. Sur conditions humides on ne peut pas trop faire de pronostics pour l’instant, on n’a pas encore vu les forces en présence.