AUTOSPORT, 18.11.1993

LE PROFESSEUR évoque sa philosophie de la course,
qui a fait de lui le pilote qui détient le plus de victoires en GP.


Translation: Sylvie Lacord (France).
This interview is also available in English (original version)!

Alain PROST ne ressemble pas forcément à un gagnant, mais son style de pilotage est trompeur, sa détermination est visible, et il a gagné bien des courses, grâce à l'intelligence de sa stratégie, plus que par une vitesse dominatrice. Il y a eu des pilotes plus rapides que Prost, il y a eu des pilotes plus audacieux, mais ils n'ont pas remporté autant de victoires que le français. A la fin de la saison 1993, Prost a pris sa retraite, laissant derrière lui un impressionnant palmarès. A la fin de cette saison, il avait remporté 7 GP, obtenu 13 pôles positions, affiché six records du tour et a été couronné Champion du Monde pour la 4ème fois en 13 années de Formule 1. Le rédacteur en Chef d'AUTOSPORT, James ALLEN, et moi, avons proposé à Alain un petit bavardage sur sa vie dans le monde de la course automobile. "Est-ce que 15 minutes suffiront?", s'est-il inquiété. Ce n'est que plus d'une heure après qu'il est finalement reparti …

JENKS: Alain, la première fois que je vous ai rencontré, c'était à Zandvoort, voici bien des années, vous veniez de remporter le Volant ELF. François GUITER, Directeur d'ELF Compétition, vous a fait venir au GP de Hollande, pour vous présenter la Formule 1. Vous ne parliez pas un mot d'anglais, à l'époque, et vous nous aviez été présenté en tant que "futur Champion du Monde français". On a tous regardé ce jeune homme timide, avec ses cheveux bouclés, et tous avons pensé: "Qui Diable cela peut il être?". Peu d'entre nous, dans le monde de la F1, savaient quelque chose sur les débutants français. Nous vous avons tous serré la main, et nous nous sommes bien entendus autour d'un déjeuner offert par ELF! Mais nous avions un énorme respect pour M. GUITER, que l'on appelait affectueusement "le Gros". Alors on a observé cette personne qu'était Alain Prost, en pensant "M. GUITER doit savoir ce qu'il fait". Et vous, vous rappelez-vous ce que vous avez pensé à ce moment-là?
Oui, je me souviens. J'étais embarrassé.

JENKS: Vous étiez très timide et à l'écart, dans ce monde de folie qu'est la F1.
Vous savez, on est toujours très gêné quand on est en dehors de quelque chose. Quand vous y entrez, vous en faites alors partie. C'était le cas, je n'en faisais pas partie, et je me rappelle vraiment bien ce moment à Zandvoort il y a 15 ans. Sauf que faire partie intégrante d'un GP était plus qu'un rêve à cette époque.

JENKS: Vous ne parliez pas un mot d'anglais, lors de notre première rencontre. Quand l'avez vous appris?
Au cours de ma première année chez McLaren. Paddy McNally, de Marlboro, m'a enseigné tous les gros mots pour débuter. C'était dur à l'époque chez McLaren, parce qu'on travaillait avec beaucoup de Néo-Zélandais et d'Australiens et je trouvais que c'était vraiment dur de les comprendre.

JENKS: Apparemment, vous avez très vite réalisé ce dont vous auriez besoin pour parler le langage de l'équipe.
Certainement. C'est toujours mieux de parler la même langue que son équipe. Pas seulement pour le contact direct avec chacun, parfois ça vous aide aussi pour comprendre un peu mieux la mentalité des personnes qui vous entourent.

JENKS: c'est un problème que j'ai rencontré pendant mes 40 années de reportage dans le sport automobile: l'incapacité chez pleins de pilotes britanniques de parler une autre langue. Les anglais qui vous disent "Faites leur apprendre la langue de la Reine, ça leur fera du bien" ça me défrise! Comment les gens peuvent-ils être aussi impertinents et étroits d'esprit? Dès mon plus jeune âge, j'ai voulu développer un point de vue européen. Je suis fière de la Grande-Bretagne, mais l'impertinence et l'étroitesse d'esprit ne font pas partie de mon vocabulaire.
Ce n'est pas seulement chez les pilotes. Je pense que c'est en Angleterre, généralement. Tous les anglais que je connais ne veulent pas faire l'effort de parler une autre langue. Peut-être aussi est-ce parce qu'ils n'osent pas. Je me souviens que lorsque j'ai débuté en Italie, je disais beaucoup de choses incorrectes, mais je m'en fichais, parce qu'au moins j'essayais. Je pense que peut-être les Anglais n'osent pas essayer quelque chose, et passer pour des idiots, parce qu'ils sont très réservés.

JENKS: Vous avez dit à plusieurs reprises que vous préférez conduire pour des équipes anglaises.
Oui, je pense qu'il y a peut-être plus de gens expérimentés. Je dirais même que la F1 est née et qu'elle a grandi en Angleterre. Techniquement, ils sont mieux organisés, et je pense qu'il y a un esprit de compétition plus sain entre les équipes.

JAMES: Pourquoi ne retrouve-t-on pas cela ailleurs, Jenks?
JENKS: Ça remonte au début des années 60. C'était une période faste au niveau des matériaux, de la technologie, et de la dextérité pour les utiliser. Tout cela a contribué à faire de l'Angleterre un excellent emplacement pour la création et la construction de F1. Alors aujourd'hui ce n'est pas étonnant si vous avez des équipes telles McLaren, Williams, Benetton et Lotus, tous leaders du plateau technique.

En France, vous avez deux constructeurs, mais ils ne sont jamais compétitifs en même temps. En Italie, il n'y a que Ferrari, et quelques autres petites écuries. Donc, je pense que l'Angleterre a la bonne mentalité. L'organisation est très rigoureuse.

JENKS: Au milieu des années 80, pendant vos années McLaren, vous avez travaillé avec Porsche. Comment trouvez vous la façon de faire en Allemagne?
Je pense qu'ils ont un très bon état d'esprit. Une équipe allemande peut être plutôt bonne. Mais peut être sont ils un peu trop convaincus d'être les meilleurs. Ce n'est pas trop bon d'avoir cette attitude en F1. Ça peut être un désavantage.

JENKS: Peut être les équipes anglaises sont elles meilleures pour trouver le bon compromis.
Exactement. Ça peut justement être le problème de Ferrari. Vous ne pouvez pas toujours avoir la meilleure équipe. C'est toujours un compromis. Quelques Italiens sont des génies, mais il faut trouver le bon équilibre.

JENKS: En pilotant pour des équipes françaises, anglaises et italiennes, vous avez du vous tenir en permanence au courant de leurs cultures?
Oh oui. C'est très différent à tous les égards. C'est pourquoi je suis d'accord avec vous, tout est basé sur le "compromis". Parfois, la nourriture était meilleure chez Ferrari… Non, sérieusement, c'est important. Je me rappelle quand John Barnard est arrivé chez Ferrari, il a interdit aux mécaniciens de boire du vin pendant le dîner. Je pense qu'il a eu raison. C'est très dur de dire "Ferrari aurait du faire ceci ou cela", parce que c'est toujours une question de compromis. Vous voulez vous amuser, mais vous voulez aussi travailler correctement. Parfois, j'était plutôt heureux, chez Ferrari, parce qu'on pouvait s'amuser, mais après, ils étaient incapables de s'arrêter et de se remettre dans le monde du travail. Ça peut paraître exagéré, mais il y a un temps pour chaque chose, et c'est encore là que les anglais ont trouvé le meilleur compromis. Peut être sont ils parfois un peu trop stricts, mais quand vous voulez gagner c'est plutôt mieux.

JENKS: Et c'est bien le point essentiel: ETRE VICTORIEUX.
Oui. Et vous pouvez vous amuser après la course. Vous savez, j'étudiais l'histoire du sport et je ne pouvais pas m'expliquer pourquoi il y a eu autant d'excellents pilotes en Amérique du Sud, spécialement au Brésil.

JENKS: Ça n'a pas toujours été comme ça. En réalité, avant que Fangio n'arrive en 1948, peu d'entre nous était au courant d'où se trouvait l'Amérique du Sud, encore moins ce qu'il s'y passait en matière de sport auto. Parmi les pays sud américains, le Brésil se détachait largement, donc est ce surprenant qu'il nous ait apporté des Champions tels que Fittipaldi, Piquet et Senna?
JAMES: La France a la réputation d'avoir inventé la course automobile, à la fin du siècle dernier, et certainement d'avoir inventé les Grands Prix. Mais elle n'a eu que très peu de grands pilotes. Comment vous expliquez-vous cela? Cela a-t-il quelque chose à voir avec la mentalité française?

Les Français sont un peu comme les Italiens. Un mec doit travailler énormément pour devenir un pilote de F1, mais une fois qu'il y arrive, il est heureux. Ça suffit. Il est content. J'ai vu des tas de jeunes pilotes en baver, avoir une vie de merde pour parvenir en F1. Et quand ils y sont, ils ne font plus aucun effort. La discipline dans la vie c'est trop pour eux.

JENKS: C'est un trait de caractère naturel chez les français. Ils ne veulent pas travailler trop dur, parce qu'après ils ne peuvent plus profiter de la vie. Mais vous êtes vraiment une exception.
Oui. C'est peut être que je ne suis pas français, que peut être je ne suis de nulle part. J'ai connu des problèmes parce que les français n'aiment pas ceux qui ont du succès. Ils n'aiment pas les numéros 1. Ils aiment bien amener quelqu'un au sommet, mais quand il y arrive ils le descendent. Ça suffit. Presque tout le monde est comme ça, sauf aux Etats-Unis. J'aime la mentalité des américains. C'est comme lorsque vous parlez d'argent. Je ne suis pas envieux. Mais vous voyez des gens qui n'ont aucun talent, et d'autres qui n'ont jamais étudié, remporter beaucoup de succès. Si je rencontre un type, qui par exemple, a inventé quelque chose que tu peux mettre dans ton pain, et qu'il se fasse des millions de dollars avec, moi j'admire. Par contre quand c'est quelqu'un qui joue à la loterie, et s'empoche 10 millions de dollars exonérés d'impôts, ça je déteste. Je n'ai aucun problème avec les gens qui travaillent dur pour y arriver. Mais je pense que beaucoup de personnes sont jalouses du succès des autres. Je travaille énormément mais ils ne l'apprécient pas.

JENKS: Peut-on parler, à présent, pas de Prost en tant qu'homme, mais de Prost en tant que pilote. J'ai observé pratiquement toutes vos courses. A de nombreuses reprises, par le passé, vous avez du être à la cinquième ou sixième place sur la grille de départ, et j'ai pu deviner dès les premiers tours que vous alliez gagner. Je peux pas trop expliquer pourquoi, mais je me disais en moi-même "il va gagner cette course". Voilà comment je voyais les choses: je me disais il va regarder qui est à la 5ème place, se placer tout près derrière lui. Je pensais "il sait comment doubler ce garçon", et ainsi de suite jusqu'à la 1ère place. Etait-ce votre façon de voir les choses?
Oui, vous avez complètement raison. J'ai exactement ces mêmes impressions. Je n'analyse pas seulement pendant la course. Je travaille toujours de la même façon, en commençant en début du week-end. Je sais, dès que la course commence, en fonction de tout ce que j'ai analysé pendant les essais, si je vais gagner la course ou non.

JENKS: Vous pouvez lire tout ce qui se passe devant vous?
Oui, je peux le lire, c'est exactement cela.

JENKS: Et vous faites l'acquisition de tout cela, durant le week-end, d'une façon consciente ou inconsciente?
C'est un instinct naturel. C'est ma façon de travailler depuis le début de ma carrière. En Formule Renault, tout le monde avait les mêmes pneus, le même châssis, le même moteur. Je pensais "Comment est-ce que je vais y arriver?". Vous ne pouvez pas envisager de gagner toutes les courses en étant rapide, parce que ce n'est pas possible. Alors il faut trouver un autre moyen d'y parvenir. Ce que je faisais depuis la 1ère année, c'était de tester très souvent, si le budget le permettait, en changeant tout dans la voiture, tout le temps - la barre anti-roulis, la suspension, tout; juste pour comprendre ce qui se passait dans la voiture. J'ai travaillé très dur, et j'ai énormément joué sur le poids. On préparait la voiture en l'allégeant de 20 à 15 kg de moins que la limite prévue, parce qu'ainsi il m'était possible de répartir la charge là où je le souhaitais. Ça m'intéressait énormément. C'est très important d'être confiant, au même titre que d'acquérir l'expérience. Je voulais toujours sentir que j'avais assez de connaissances et d'expérience de la voiture, pour pouvoir affiner ses réglages sur la grille et pouvoir gagner la course. Ça a énormément contribué à mes succès. Une autre chose qui a beaucoup fait partie de mes réussites, c'est que je déteste ne pas finir une course. Je préfère terminer le sixième, plutôt que de mener la course et de me crasher ou d'abandonner. J'ai toujours voulu terminer pour en retirer de l'expérience.

JAMES: Ça ressemble à quelques unes des idées mises en avant par Fangio, dans son autobiographie.
JENKS: Oui, en fait, j'ai travaillé sur la traduction anglaise de ce livre, et lui aussi, était très explicite et logique dans sa philosophie. Comme vous Alain, Fangio partait du principe de terminer la course, à n'importe quel prix. Cependant, il a piloté parfois au-delà de sa passion absolue pour la course. Si quelque chose cassait, il n'abandonnait pas, mais parfois se traînait sur 3 roues pour terminer. Je me rappelle du GP d'Espagne à Barcelone en 1954, quand sa Mercedes avait fait jaillir un jet d'huile. Il en était maculé, et il devait être brûlé sous son T-shirt, mais il a tenu bon et il a gagné. Alain, avez-vous déjà été contrarié par cette perspective de finir à tous prix?

Oui, parfois. Je pense que j'aurais eu de meilleurs résultats si j'avais eu une autre mentalité. J'aurais pu accélérer plus fort, et attaquer. Mais là, j'aurais eu plus de chance de commettre une faute. J'ai toujours pensé qu'il valait mieux être sain et sauf et terminer troisième ou quatrième, que de prendre des risques pour être premier ou second. J'ai toujours eu cet état d'esprit parce que je ne supporte pas de casser quelque chose dans la voiture.

JENKS: Vous êtes sympathique avec les éléments mécaniques?
Trop! L'un de mes plus gros problèmes cette saison a été avec l'embrayage, au début de la course, je ne supporte pas d'abîmer la voiture. Je n'aime pas sortir de la route, non plus, parce que je n'ai pas envie d'être brutal avec voiture.

JENKS: C'est pourquoi, lorsqu'on regarde vos courses, certains trouvent que vous avez un style élégant. Je n'ai pas l'impression que vous tenez votre volant fermement, ça serait plutôt ainsi (Jenks tient un volant imaginaire entre le pouce et l'index).
Je me suis obligé à être correct. Je suis toujours attentif aux pneus, aussi, et à tout le reste, de toutes façons. Mais en fait, c'est à 80% naturel, et à 20% parce que je me suis obligé à conduire comme ça. Parce que c'est ainsi que vous obtenez les meilleurs résultats. Pas pour une course, mais pour la saison. Aucun pilote, excepté Niki Lauda en 1984, n'a obtenu plus de points que moi avec la même voiture.

JENKS: Donc vous considérez toujours la saison entière, plutôt qu'une seule course? Parce que plein de gens ne s'occupent que de la course du moment.
C'est sûr. Mais vous savez, c'est pour ça que je n'avais pas l'air toujours content sur le podium. Parce que je pensais à la prochaine course. Je regardais Michael Schumacher, sur le podium à côté de moi, il était très heureux et je comprenais ce qu'il ressentait. Mais très souvent, j'avais déjà l'esprit à la prochaine course.

JENKS: Pensez-vous avoir déjà vécu ce que vous considérez comme une course parfaite?
La plus belle, c'était au Brésil en 1987, avec une McLaren-Porsche. J'étais quelque chose comme septième sur la grille de départ, à environ deux secondes derrière la Williams-Honda de Mansell. Depuis le vendredi matin, je travaillais avec John Barnard, et sans penser à la qualification, nous avions recherché la meilleure mise au point possible pour la course. Tout le monde avait privilégié l'appui vers l'avant, parce qu'il y avait un problème d'adhérence. Nous avons effectué la démarche inverse en adoptant d'un très léger appui. Cependant je me forçais à être lent dans les virages et nous avions prévu un seul arrêt. Tous les autres avaient programmé deux arrêts, si ce n'est plus. Je me souviens dans la première partie de la course j'étais sixième, et j'aurais pu aller plus vite, mais je devais aller doucement. C'était l'une des choses les plus difficiles que j'ai eu à faire. Je ne me suis arrêté qu'une fois et j'ai gagné la course, avec trente secondes d'avance. Mais j'étais à deux secondes derrière pour les qualifications. Quand vous gagnez une course dans ces conditions, c'est vraiment très, très bon. Il y a eu des périodes où j'étais complètement démoralisé de finir sixième, mais vous ne pouvez pas vous rendre compte, de l'extérieur. En 1980 j'ai terminé trois ou quatre fois septième. J'ai cru devenir fou. Je me battais comme un fou, pendant que tout le monde était déjà autour du vainqueur, et ils pensaient que je roulais tranquillement. Mais c'est ça la course automobile. Alors en réalité, le seul jugement que vous pouvez avoir sur ce sport doit être sur le long terme. Vous pouvez juger une carrière, ou une saison, mais pas une course.

JENKS: Que pouvez-vous nous dire des raisons qui vous ont permis ce record de 51 victoires en Grand Prix?
La première, c'est que j'ai eu des voitures compétitives. Peut-être penserez vous que j'ai justement eu ces voitures parce que j'étais bon, et qu'on savait qui j'étais, et qu'à l'intérieur d'une équipe je peux obtenir le meilleur de chacun. J'ai toujours été motivé pour faire ce métier. Je ne suis jamais abattu, même quand on me salit à l'extérieur, dans la presse, etc. Je n'y fais pas trop attention. J'ai eu un gros problème cette année après le Brésil et Donington Park. J'aurais pu plonger. Mais j'ai été meilleur à Imola et à Barcelone. Je n'ai aucune sympathie pour beaucoup de monde en F1.

JENKS: Ça ne vous atteint pas?
Pour être honnête, ça fait mal, mais pas au plus profond de moi. Ça m'aide parfois à trouver de la motivation. J'ai réellement adoré faire ce métier pour moi. Je peux observer plein de monde faire ce boulot uniquement pour leur image, pour leur ego. Je pense que c'est un réel avantage que j'ai eu.

JENKS: Nous avons bien compris que vous n'aimez pas prendre trop de risques. Mais qu'entendez-vous par risque?
Le meilleur est celui que vous contrôlez. Celui que je ne veux jamais connaître est celui qu'on ne peut pas contrôler. J'adore le sport et j'en ai pratiqué certains de dangereux, comme le parapente. Mais je ne tenterai jamais, vraiment jamais le saut à l'élastique. Pourquoi? Parce que je n'ai pas le contrôle. Et c'est ce que je déteste. C'est comme quand les gens parlent de la conduite d'une F1 par temps de pluie. Je n'ai absolument aucun problème avec ça. Les gens ne comprennent pas que c'est peut-être l'un de mes plus grands plaisirs de piloter sur sol mouillé. Mais dans des conditions comme celles du warm-up à Hockenheim, cette année, avec une pluie violente et aucune visibilité, c'était comme jouer à la roulette russe. Vous n'aviez aucun contrôle, nous n'aviez aucune visibilité. Peut-être y-a-t-il une voiture devant vous, peut être pas. A un moment, la voiture devant moi était à 400 mètres et je ne pouvais rien distinguer. Les gens vont râler et dire "Prost n'est pas courageux". Je suis courageux. Je suis courageux pour confirmer que je refuse de prendre de tels risques. Ceux qui vous critiquent ne seront pas ceux qui s'occuperont de vos jambes quand vous serez dans un fauteuil roulant. Ces gens n'ont jamais conduit ce genre de voitures dans ces conditions, ils ne peuvent pas savoir ce que c'est.

JENKS: Lorsque vous essayez une voiture dans de bonnes conditions, et que vous êtes près d'atteindre la limite dans un virage, qu'est ce que vous en déduisez de la voiture?
Quand j'essaie une voiture, je ne cherche pas à atteindre tout de suite les limites. Uniquement parce que quand vous êtes au-dessous des limites, vous pouvez maintenir la même vitesse toute la journée, et c'est uniquement de cette façon que vous pouvez être absolument certain de ce que vous testez.

JENKS: Mais qu'en est il des essais avant la course et les qualifications. Est-ce que vous recherchez vos limites?
Mon idéal est de conduire le plus rapidement possible, sans prendre aucun risque…

JENKS: Vous voulez dire sans mettre un pied dans l'inconnu?
Oui. Sans aller au-delà de ce que je considère comme mes limites. J'ai toujours dit que l'idéal est d'obtenir la pôle, avec un minimum d'efforts, et de gagner la course à la vitesse la moins élevée possible.

JENKS (après qu'Alain Prost soit parti): Il apparaît tel un homme très chaleureux, pas compliqué, qui n'est pas dépendant de ses passions et inspirations, et qui ne se permet ni mise en scène ni connerie. Il est capable d'un niveau de maîtrise mentale au-delà de ce que quiconque peut imaginer.



Back to interview-page!

Alain Prost Infopage!

prostfan.com!

prostfan.com © by Oskar Schuler, Switzerland